Le blues des chasseurs de têtes
Suite à des années de calme plat, la surchauffe du marché de l’emploi chez les hauts potentiels donne des sueurs froides aux chasseurs de têtes. Dans certains secteurs touchés par les pénuries, les candidats commencent même à faire la loi.
Après les patrons voyous, voici les candidats hooligans. Dans la restauration rapide, une bonne moitié des (jeunes) cadres contactés par ce cabinet de recrutement ne prennent même plus la peine d’avertir avant d’annuler un rendez-vous. Ailleurs, ce sont les hiérarques de l’entreprise qui se lamentent : leurs middle managers n’hésitent plus à dégainer lettre de démission et proposition d’embauche signée pour faire grimper les enchères.
« C’est régulier. Ils donnent à leur entreprise d’origine une chance de les rattraper, moyennant une augmentation. Mais attention, car les hiérarchies apprécient moyennement le chantage », note Wilhelm Laligant, DG d’Advancers Executive, filiale de Vedior Groupe. Ce chasseur de têtes a le blues : les hauts potentiels qu’il poursuit de ses assiduités de longs mois durant montrent une fâcheuse tendance à lui claquer entre les doigts au dernier moment… Ou à disparaître sans donner signe de vie, une fois leur négociation conclue derrière son dos.
Un scénario surtout lui donne des cauchemars : le nouvel embauché qui ne se présente pas le jour dit dans l’entreprise. « Ça m’est arrivé cette année. Il s’en est fallu d’un cheveu que l’histoire ne s’achève au tribunal », raconte Henri Micheron, DG de Quadra. Dans le monde feutré des chasseurs de têtes, on n’évoque guère ce genre d’anecdotes. Pourtant, chacun en a une ou deux à raconter : à la louche, 10 % environ des chassés font partie de ces candidats « volatiles », redoutés tant des experts du recrutement que de leurs clients. Des candidats dont la belle assurance frise la muflerie. Mais le blues des chasseurs ne fait peut-être que commencer…
Boom par anticipation
Les jeunes loups ont en effet quelques bonnes raisons d’avoir confiance en eux. Reparti à la hausse, le marché de l’emploi valorise en particulier la génération des 3-6 ans d’expérience. « Parce qu’ils sont rares », explique Antoine Morgaut, DG de Robert Walters. « Dans la banque, ce sont les cadres entrés sur le marché en pleine crise. Ceux qui ont pu se tailler une place et acquérir de l’expérience sont aujourd’hui au cœur de la cible. » Ajoutez à ça une spécialisation technique, l’anglais courant et recomptez vos cinq pattes.
Le phénomène est identique dans l’informatique où les sévères restrictions de l’an 2000 ont disparu. Ici aussi, les rescapés des années de silicium sont dragués avec acharnement. C’est que la croissance paraît partie pour durer. Et les entreprises s’aperçoivent que leur frilosité en matière de recrutement au cours des cinq dernières années risque de leur coûter cher, pour peu que les carnets de commandes frémissent. Bref, « c’est l’effet Destop », résume élégamment ce chasseur. « Même légère, la reprise provoque une anticipation de rattrapage, d’où une tension extrême sur le marché et des pénuries dans certaines niches », explique Henri Micheron.
Quête de sens
Reste à savoir si les désirs des uns combleront les attentes des autres. Ces cadres que tout le monde s’arrache aujourd’hui ne sont plus les mêmes qu’il y a cinq ans. Ils ont fait leurs premières armes en pleine crise de confiance envers l’entreprise de papa. « Ils se détachent d’un mode d’investissement traditionnel dans la carrière », note Patrick Degrave, sociologue, DG de Sociovision. Selon lui, 60 % d’entre eux sont d’abord en quête de sens au travail, d’une expérience enrichissante et d’une meilleure qualité de vie. L’argent n’est plus leur unique boussole.
De quoi dérouter certains recruteurs. « Le dernier ingénieur en informatique que j’ai embauché a préféré renoncer à un salaire plus élevé pour garder une après-midi disponible », raconte Alexandre Noto, dg de Concerto. Ces drôles d’oiseaux savent profiter de l’occasion pour négocier un aménagement, un peu plus d’autonomie, un peu moins de contraintes… tout en sachant se montrer raisonnables sur les salaires. « En gros, ils ne vous doivent rien, sourit ce chasseur. Ils demandent plus pour moins de travail parce qu’ils n’ont pas confiance dans l’entreprise. À terme, ça risque de provoquer un sentiment d’injustice au sein de la génération des 35-40 ans déjà en place. » Les entreprises sont bien obligées de se démener un peu pour « assouplir leur cahier des charges » ou proposer des rémunérations individualisées afin d’éviter la « guerre des gangs » en interne, entre jeunes et anciens.
Sur les profils qu’elles s’arrachent, les petites annonces font rarement la pêche miraculeuse. Pour débusquer le jeune cadre expérimenté, à haut potentiel, ne sortant pas forcément d’HEC, mais hyper bon dans son domaine (informatique, banque, finance, recherche, mathématiques…), souvent, il ne reste guère que l’intermédiation, un terme poli pour désigner la chasse de têtes et l’approche directe.
La chance des plus âgés
Mais, tiens tiens, du côté des recruteurs aussi, quelques idées apparaissent. Faute de grives, la tension du marché les incite au réalisme. Les DRH redécouvrent la séduction des profils atypiques, l’intérêt d’un recrutement diversifié. Remontée de la reconnaissance des experts, élargissement des sources de recrutement, logique de compétences plus que de stocks et, même, attrait nouveau pour les candidats plus âgés à des profils de postes identiques… « On n’entend plus tellement d’entreprises annoncer des recrutements massifs d’HEC. Elles se tournent davantage vers des candidats universitaires, ou plus âgés. Le changement est récent. Mais il est dans l’air du temps », note Patrick Degrave. On se bat comme des chiffonniers pour attirer les « bons » candidats. Mais on se dispute de moins en moins le privilège de sponsoriser la fiesta des anciens d’HEC…
Négo : rustaud ou finaud ?
Poser des lapins, planter un chasseur sans explications, se laisser racheter par son entreprise sans prévenir… À l’idée de voir se multiplier les « accidents » de recrutement, les chasseurs sentent monter des sueurs froides. Ce n’est que justice, songent certains : « Il y a dix-quinze ans, les chasseurs ont été durs avec les candidats », déplore Antoine Morgaut, DG de Robert Walters. « Beaucoup ne prenaient même pas la peine de répondre aux courriers. Aujourd’hui, le rapport de forces est inversé. Nous devons gérer la volatilité. » Pour réussir sa négo, mieux vaut ne pas être rustaud(e). Les « irremplaçables à court terme » (middle manager, chef de service, chef de projet…) sont les mieux placés pour profiter d’un rachat par leur entreprise et faire monter les prix. Les autres devraient rester raisonnables : « Même si le marché est tendu, il y a toujours plusieurs candidats. Si vous êtes payé 30, que le marché vous situe aux alentours de 40, et que vous demandez 50, vous risquez de n’intéresser personne », précise Antoine Morgaut.
Entreprises échaudées…
Outre la diversification des profils, une démarche dont la préoccupation financière n’est pas négligeable, les entreprises en quête d’oiseaux rares jouent de plus en plus la carte de l’individualisation des salaires. Pour leur prime de Noël, les traders de Paris se sont ainsi partagé un gâteau de quelques dizaines de millions d’euros. Mais attention avant d’exiger 50 % d’augmentation. Jusqu’à l’implosion de la bulle Internet, les entreprises ont cédé au piège de l’inflation des salaires à l’embauche de jeunes surdoués. Éloignée la croissance, et le refoulé revient au galop : licenciements, freinage brutal des recrutements, notamment dans l’informatique… et sérieux coup de froid sur les salaires au cours des cinq dernières années. Les entreprises ont juré qu’elles ne s’y laisseraient pas reprendre. Voire. Car avec des hausses d’activité de 20 % à 25 %, pour une reprise de 15 % du marché cadre global, le thermomètre des chasseurs de têtes indique tout de même une bonne fièvre sur le marché de l’emploi.
Les métiers qui ont du sex-appeal
- Banque, assurance, finance : l’activité des chasseurs de têtes est en hausse de + 25 % sur un an sur ces trois secteurs. Pour les cinq ans à venir, le contexte est au renouvellement des postes commerciaux et au rajeunissement de la pyramide des âges. Soit quelques dizaines de milliers de postes en perspective.
- Comptables de marché: de bac + 2 à bac + 5, ceux-là ne connaissent pas le chômage, à tout niveau de responsabilité. Il est vrai que les métiers de la comptabilité, toujours plus techniques et bardés de normes compliquées, exercent un faible pouvoir d’attraction sur les candidats.
- Trader: la demande reste soutenue. Mais les métiers changent. Ces derniers temps, le déferlement des produits structurés (un package de plusieurs produits financiers) booste la demande.
- Asset manager : la France a battu cette année son record de levées de fonds. Mais elle ne fait que rattraper son retard.
- Gestionnaire de risques, compliance manager : dans le middle office, structurellement en sous-effectifs dans les établissements financiers, la pénurie de candidats fait grimper les enchères.
- Juridique : les recrutements dans les cabinets d’avocats d’affaires font un bond de 25 % cette année. L’une des explications tient à la complexité croissante des contentieux et réglementations du business international. Les spécialistes de la lutte contre le blanchiment d’argent, les experts en droit et règlements commerciaux internationaux sont en pleine cible.
- Ressources humaines : + 15 % en un an. Le signe ultime que la reprise du marché s’installe… avec l’augmentation du turn over dans les cabinets de chasseurs de têtes, qui ne peuvent pas s’empêcher de lorgner sur les compétences du voisin. En entreprise, la reprise des fonctions RH concerne aussi tous les profils plus techniques, comme les gestionnaires de paie et responsables du personnel.
- Directions financières : c’est la reprise ! Avec une hausse de 15 % sur le marché de la chasse de têtes, les directeurs financiers retrouvent des couleurs. Mais attention, mieux vaut être « up to date » avec les nouvelles normes et réglementations.
- Collectivités locales : pénurie structurelle de cadres dans la fonction publique territoriale et moyenne d’âge élevée. Les collectivités locales provoquent un formidable appel d’air en direction des spécialistes venus du privé.
Les métiers où les candidats font la loi
- Expert réseau et .net, chef de projet, consultant : chez les chasseurs de têtes, l’informatique et le conseil enregistrent une progression de + 40 % en 9 mois, après un brutal coup de frein sur les recrutements entre 2002 et 2005. Les compétences recherchées n’ont, elles, guère changé : c’est toujours la furia des réseaux et télécoms. Quant aux débouchés, ils sont à parts égales entre recrutements internes et SSII.
- Mathématicien de salles de marché : ce sont les derniers chouchous de la finance mondiale et les meilleurs sont diplômés des universités françaises. Ici, le salaire progresse par seuils. Certains petits génies ont vu leur rémunération tripler en un an.
- Chercheur en pharmacie : la fuite des cerveaux continue. Mais les entreprises promettent de mieux récompenser les fidèles, en intéressant davantage les chercheurs aux ventes de leurs molécules.
- BTP : pénurie structurelle d’ingénieurs et cadres (ingénieurs d’affaires, chefs de projets, urbanistes, énergéticiens) et de techniciens bac + 2 (conducteurs de travaux) : le classique des classiques, mais un secteur toujours déficitaire en dépit de progressions de salaire et de carrières largement revalorisées. Les entreprises font de la pub pour débusquer les jeunes.
- Gestionnaire de copropriété : à 5 000 euros brut mensuels pour les plus expérimentés, encore un métier sans chômage… mais un brin mal aimé des candidats. Il s’agit, il est vrai, d’organiser des réunions de copropriétaires aux humeurs parfois maussades et de gérer les relations avec les entreprises. L’immobilier a fait le plein ces dernières années. Mais il offre toujours des disponibilités.
- Commerciaux : Le chiffre de 150 000 commerciaux « absents » de l’économie française reste d’actualité d’un siècle à l’autre. Et on ne sait toujours pas où les trouver !
Qu’est-ce que la chasse aux têtes ?
Le recrutement par approche directe consiste à mener une recherche spécifique afin d’identifier le candidat idéal pour un poste particulier, que le candidat soit actif ou passif. Alors que les candidats actifs s’adressent à leurs réseaux professionnels et envoient des CV en réponse à des offres d’emploi, les candidats passifs sont actuellement employés et ne recherchent pas de nouvelles opportunités. Pour les postes de haut niveau avec un ensemble unique de compétences recherchées, les candidats passifs sont plus souhaitables : ils travaillent actuellement et acquièrent une expérience spécifique à un secteur chez un concurrent. Ces candidats ne recherchent pas activement de nouvelles opportunités, mais selon une étude de One Man Support Consultant en Finance, plus de 70% des employés sont prêts à quitter leur organisation pour faire progresser leur carrière. Comme un grand nombre des candidats idéaux sont employés chez un concurrent direct, les chasseurs de têtes initient le contact avec le candidat et facilitent la communication entre le candidat et l’entreprise. Il est également courant que les postes de haut niveau nécessitent des recherches confidentielles, c’est pourquoi de nombreuses entreprises choisissent de faire appel à un cabinet de chasseurs de têtes pour localiser les meilleurs talents et éviter les offres d’emploi publiques et le bouche à oreille.
Qu’est-ce que le recrutement ?
Si les recruteurs effectuent également des recherches de candidats qualifiés pour le compte des entreprises, leurs processus et responsabilités sont plus larges. Que les recruteurs travaillent pour une entreprise ou au sein du département des ressources humaines d’une entreprise, ils examinent les CV envoyés en réponse aux offres d’emploi et présélectionnent les candidats susceptibles de convenir au poste. Ils font également office de point de contact pour les postes à pourvoir tout au long du processus de recrutement et facilitent la communication entre les candidats et les entreprises. Les recruteurs travaillent souvent sur plusieurs emplois à la fois dans le même domaine et établissent des relations avec des demandeurs d’emploi actifs, en leur recommandant des emplois qui pourraient leur convenir.
En conclusion
Les chasseurs de têtes et les recruteurs jouent tous deux un rôle essentiel dans la conduite du processus de recherche et d’embauche pour le compte des entreprises. Alors que les chasseurs de têtes mènent des recherches approfondies pour des postes avec un nombre limité de personnes qualifiées, les recruteurs passent au crible les demandeurs d’emploi actifs et recommandent des candidats qualifiés. Il est nécessaire que les entreprises comprennent la différence avant de s’associer avec un tiers pour prendre en charge le processus de recherche de postes vacants.