Grèce : un test pour l’économie de l’UE
Malgré une levée de fonds réussie sur les marchés par la Grèce, les bourses ne sont pas encore rassurées sur les finances publiques européennes.
En dépit de son état de faillite, la Grèce continue à trouver des prêteurs pour sa dette souveraine. En fin de semaine dernière, le pays est parvenu à lever 5 milliards d’euros à 10 ans. La demande a même été trois fois supérieure à l’offre. Il a dû cependant y mettre le prix : avec 6,30 %, le taux proposé est très élevé pour une dette souveraine, et deux fois supérieur à ce que doit payer l’Allemagne.
L’emprunt est venu au lendemain d’un nouveau train de restrictions pour l’économie grecque. « Les nouvelles mesures ne changent pas l’objectif initial d’économies, il y avait donc encore une marge de progression dans ce plan« , estime Christian Parisot, économiste chez Aurel.
Cette opération réussie n’est toutefois pas sans risque. Les mouvements sociaux connus par le pays montrent la difficulté à appliquer de telles mesures. Pour les analystes, la population réagit toutefois avec un certain fatalisme, et les marchés ne paniquent pas particulièrement. Le risque inverse serait que le plan d’austérité adopté plonge durablement le pays dans la morosité, le rendant à nouveau peu attractif pour les investisseurs.
« En réalité, même si les marchés n’en ont pas encore conscience, depuis que les chefs d’État européens ont affirmé leur solidarité avec la Grèce, la crise est déjà finie« , estime Christian Parisot. Car derrière le cas de la Grèce et de quelques « mauvais élèves » de la zone euro (Espagne, Portugal et Irlande) dont les finances publiques sont jugées dangereusement déséquilibrées, c’est la cohérence du bloc européen que testent les marchés. En témoigne, l’euro tombé à 1,36 dollar. La monnaie unique a perdu 10 % de sa valeur face au billet vert depuis novembre. « Avec une monnaie unique, mais pas de fédéralisme budgétaire, l’Europe économique se retrouve unijambiste« , analyse René Defossez, stratégiste taux chez Natixis. « On lui a tout de même donné des prothèses, avec des critères de convergences à respecter. » Ces critères ne s’apparentent pourtant pas à une politique économique commune à part entière. Sans en arriver à une telle mutualisation, les dirigeants européens cherchent tout de même à rassurer sur le cas grec.
Mais les moyens à mettre en œuvre ne sont pas simples à définir. Une aide financière directe serait interprétée comme le signe d’une situation financière encore plus complexe pour la Grèce, et affolerait davantage encore. De plus, les autres pays de la zone euro – Allemagne en tête – s’inquiètent du précédent « moral » que ferait peser un tel sauvetage. Les dirigeants européens s’attachent plutôt à faire passer des messages, laissant entendre qu’en cas de difficulté, il y aurait une forme de solidarité.
Dimanche dernier, Nicolas Sarkozy a ainsi annoncé une « initiative concertée » pour lutter contre la « spéculation » qui vise actuellement Athènes. Une hypothétique sortie de la zone euro serait en effet une catastrophe pour la Grèce et pour l’Europe. « Le pays ferait immédiatement défaut et serait pris en charge par le FMI. Et l’Europe serait sous la loupe du marché qui chercherait à tester le prochain malade de la zone« , estime René Defossez.
La situation n’est pas encore aussi dramatique. Mais elle reste assez sensible pour les autres pays dits « PIGS » (Portugal, Irlande, Grèce, Spain, Espagne en anglais), qui doivent, eux aussi, payer un peu plus cher pour se refinancer. « L’Espagne cumule une compétitivité en baisse, un chômage qui explose, et un gouvernement qui a perdu sa popularité« , commente René Defossez. Des mesures d’économies ont été adoptées, de même qu’en Irlande. Le Portugal doit présenter courant mars les modalités de son plan d’austérité.