Rémunération des conseils d’administration : l’exception française
Malgré une progression certaine, la rémunération des administrateurs français reste largement inférieure à la moyenne européenne. Celle-ci a plus que doublé en huit ans, creusant l’écart avec la France.
Pauvres administrateurs français ! Selon la dernière étude « Corporate Governance in Europe » (voir la « Méthodologie », en bas de cette page) réalisée par le cabinet Heidrick & Struggles, ils sont les moins payés d’Europe.
Les quatorze membres du conseil de surveillance d’Axa se partageaient ainsi une enveloppe de 1 million d’euros (1) en 2006, tandis que leurs confrères du conseil d’administration de l’assureur suisse Zurich Financial Services se voyaient attribuer 2,105 millions de dollars, auxquels s’ajoutait un gros paquet de francs suisses pour leur présence au conseil d’administration de Zurich Compagnie d’Assurances (2). Malgré une augmentation de 23 % en deux ans, nettement supérieure aux 14 % enregistrés sur les autres places européennes, la France est donc à la traîne. En moyenne, les administrateurs français doivent ainsi se contenter d’une rémunération de 43 500 euros, là où leurs homologues européens touchent 72 200 euros, toujours en moyenne. Heureusement pour eux, les administrateurs français s’exportent bien. Ainsi, 14,5 % des administrateurs « non nationaux » sont français. Surtout, ils peuvent toujours cumuler les mandats.
Un nombre de mandats limité à cinq
Certes, le temps où ils pouvaient siéger à une dizaine de conseils d’administration est désormais révolu. En 2001, la loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques) en a limité le nombre à cinq. Cette réglementation a eu les effets escomptés. Selon une étud (3) du cabinet Korn/Ferry International, on assiste à une lente déconcentration des mandats d’administrateurs. Alors qu’en 1995, 69 administrateurs (18 ) détenaient 226 mandats (41 ), en 2006, 95 administrateurs (21 ) possédaient 205 mandats (36 ). Le cabinet note par ailleurs que seuls deux administrateurs cumulent le maximum de mandats autorisés.
Ce renouvellement n’est pas propre à l’Hexagone. Ici comme ailleurs — et c’est l’un des principaux enseignements de l’étude de Heidrick & Struggles —, les conseils d’administration ont amorcé de grandes évolutions. À commencer par la montée en puissance des administrateurs indépendants. Depuis huit ans, sous l’effet des scandales à répétition qui ont éclaboussé le monde des affaires, leur nombre est en croissance continue. Aujourd’hui, ils représentent plus de la moitié des administrateurs européens. Et, en la matière, la France fait jeu égal avec les autres places européennes. De 36 % en 2001, la proportion des indépendants est aujourd’hui passée à 51 .
Une percée féminine à confirmer
Moyenne dans le domaine de l’indépendance, la France s’avère, en revanche, meilleure élève que ses voisines lorsqu’il s’agit d’ouvrir les conseils d’administration aux étrangers. Malgré des jetons de présence sous-évalués, nos conseils d’administration accueillent 20 d’administrateurs « non nationaux ».
Enfin, les femmes font peu à peu leur chemin au sein de ces cercles longtemps fermés. En 2007, elles représentent ainsi, en moyenne, 8,4 % des administrateurs, avec de grandes disparités selon les pays. Le carton rouge revient au Portugal (1 % de femmes seulement), tandis que la Suède est en tête de peloton avec un taux de 21,3 . La France occupe le cinquième rang en Europe avec 7,5 d’administratrices. Un chiffre corroboré par l’étude Korn/Ferry International, qui note qu’en 2006, 7 % du total des administrateurs des sociétés du Cac 40 sont des femmes. Avant d’ajouter que 33 % des conseils d’administration ne comptent toujours aucune femme dans leurs rangs… Autres grands oubliés de ces conseils : les représentants des salariés de l’entreprise, qui ne représentent, en moyenne, que 10 % des administrateurs européens.
Méthodologie
Exclusivité du cabinet Heidrick & Struggles, l’étude « Corporate Governance in Europe » est réalisée tous les deux ans pour dresser une cartographie détaillée de la gouvernance d’entreprise en Europe. Publiée depuis 1999, cette étude fait office de « baromètre » en analysant les pratiques de plus de trois cents entreprises dans onze pays d’Europe, en matière de composition du conseil d’administration, de style de management, de rémunération et d’évaluation des conseils. Cette étude se fonde sur les rapports d’activité annuels de chaque société, de façon à disposer d’une vue d’ensemble unique et fiable.
Typologie des conseils d’administration
- Le conseil unitaire est le modèle usité en Grande-Bretagne. Il rassemble sur un agenda unique les administrateurs non exécutifs et l’équipe dirigeante au sein du board, avec, le plus souvent, un président indépendant non exécutif et un CEO (Chief Executive Officer).
- La structure à deux conseils, comme en Allemagne et en France, comporte un conseil de surveillance et un directoire. Le premier ne comprend que des non-exécutifs. Ils sont séparés dans leur composition, leur fonctionnement et l’ordre du jour des réunions.
- Le conseil d’administration français est une structure séparée du comité exécutif, avec des réunions et des ordres du jour différents. Mais certains exécutifs sont présents dans les deux instances, notamment le président-directeur général qui les dirige.